Drafts
Cecilia Sideri
University of Warwick
Communication présentée à la journée d’études « Images d’Isis en France et en Italie (XIVe – XVIe siècle), Boulogne-sur-Mer, 18 octobre 2023, Université Littoral Côte d’Opal
Traduire (et trahir) le mythe d’Isis à la Renaissance
Parmi les sources grecques classiques qui traitent du mythe d’Isis et d’Osiris, l’une des plus importantes est représentée par la Bibliothèque historique de Diodore de Sicile, un texte datant du premier siècle avant avant Jésus-Christ. C’est une histoire universelle qui, dans les intentions de son auteur, devait couvrir une période chronologique depuis les origines mythiques de l’homme jusqu’ au règne de César. Il y avait à l’origine 40 livres, divisés en pentades, mais seuls les livres I-V et XI-XX ont survécu.[1] Les livres qui ont suscité le plus grand intérêt en Occident ont été les cinq premiers, qui portent sur la mythologie, la géographie et l’ethnographie. En particulier, le premier livre traite des origines mythiques de l’homme en Égypte, de la mythologie, de la théologie, des coutumes et de la géographie de l’Égypte ancienne. C’est dans ce contexte que Diodore consacre dix-sept chapitres (de I xi à I xxviii) à la description des divinités d’Isis et d’Osiris et à la narration de leur mythe.
Comme la plupart des ouvrages grecs anciens, le texte de la Bibliothèque historique était presque inconnu de l’Occident au Moyen Âge. Sa circulation est attestée en Italie pour la première fois à la fin du XIVe siècle, grâce au maître byzantin Manuel Crisolora. En 1397, Crisolora fut appelé à Florence pour assumer la chaire de grec au Studium Florentinum, et apporta avec lui plusieurs manuscrits contenant des ouvrages grecs, dont certains furent utilisés pour enseigner le grec aux jeunes humanistes florentins. La Bibliothèque historique de Diodore faisait partie des œuvres apportées par Crisolora.[2]
À partir de ce moment, le texte commença à circuler en Italie. Bientôt, il fut d’abord traduit en latin, puis en italien vernaculaire ainsi que dans d’autres langues européennes:[3]traductions, celles-ci, qui ont eu un très large succès et diffusion. Ainsi, la culture occidentale a lu, assimilé et réutilisé le texte de Diodore et son contenu principalement à travers le prisme de ses traductions latines et vernaculaires, plutôt qu’à travers le texte grec.
Dans cet article, je voudrais me concentrer sur la façon dont la figure d’Isis – et d’Osiris, étroitement liée à elle – a été transmise aux lecteurs italiens à travers la première traduction latine de la Bibliothèque historique, puis à travers deux traductions vernaculaires italiennes anonymes différentes, qui dérivent de cette version latine.
Puisqu’il s’agit de traductions, et non, par exemple, de réécritures, de réinterprétations, de réutilisations dans des œuvres originales, ou de représentations figuratives, le niveau de réélaboration de la source grecque primaire devrait en théorie être très faible, et on s’attendrait à un degré d’originalité et de détachement de l’hypotexte grec moindre. C’est vrai à certains égards, et c’est aussi en partie vrai dans le cas que je vais traiter. Cependant, la traduction est en soi un phénomène interprétatif qui déclenche un processus de transfert non seulement linguistique, mais aussi plus largement culturel, et en tant que tel implique toujours un certain degré de réinvention et de réadaptation de l’hypotexte au nouveau public de lecteurs, sous une nouvelle apparence linguistique. Ce réajustement peut être soit intentionnellement recherché par le traducteur, soit parfois involontaire ou induit par des causes externes : par exemple, d’une difficulté du traducteur à comprendre le texte à traduire. Le tableau est compliqué si l’on considère que ces traductions ont été transmises sous forme manuscrite et imprimée, et que leur tradition est polluée par des erreurs qui, bien que minimes, peuvent dans certains cas influencer de manière décisive l’interprétation d’un passage.
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Compte tenu de ces considérations, nous allons aborder les trois traductions avec une approche principalement textuelle et philologique. Ces textes ont représenté l’un des principaux moyens par lesquels les lecteurs de la Renaissance italienne – et au-delà – ont lu et reçu le mythe d’Isis et d’Osiris. Tout d’abord, nous allons présenter brièvement les trois traductions dont nous allons traiter.
La première traduction latine préparée après la « redécouverte » de Diodore en Occident a été faite par l’humaniste Poggio Bracciolini (1380-1459), le Pogge, sur demande du pape Nicolas V, en 1449.[4] La traduction du Pogge se limite aux cinq premiers livres et a eu une diffusion remarquable en manuscrit et imprimé. Le recensement a montré que quarante-six manuscrits sont actuellement connus. Parmi les plus importants de la tradition sont les manuscrits Princeton, University Library, Garrett 105, qui porte des notes autographes du Pogge, et Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 1812, qui est l’exemplaire dédié au pape.[5] L’examen de l’ensemble des quarante-six manuscrits a montré que la circulation des manuscrits de l’ouvrage a était principalement italienne, mais il y a aussi des témoins produits en France, en Flandre, en Allemagne et en Suisse.[6]Le texte a également été imprimé plusieurs fois : l’editio princeps, imprimée à Bologne, date de 1472 ;[7] il y a aussi dix-sept réimpressions entre le XVe et le XVIe siècles, certaines italiennes, d’autres publiées à l’étranger (il y a douze impressions à Paris entre 1506 et 1532, deux à Lyon en 1552 et 1559, quatre à Bâle entre 1531 et 1578). Le Diodore latin était donc un texte largement lu dans la Renaissance européenne.
À partir de cette version, les deux premières traductions anonymes en vernaculaire italien ont été produites, entre la seconde moitié du XVe siècle et les premières années du XVIe. En dehors de l’Italie, la traduction du Pogge a également servi de base à la traduction française des trois premiers livres par Antoine Macault (datant des années 1530), la traduction anglaise de John Skelton (datant post 1478, ante 1490)[8] et la traduction allemande de Johannes Herold, imprimée en 1554.[9] C’est toujours le cas en 1574, puisque la nouvelle traduction italienne de tous les livres survivants de Diodore, préparée par Francesco Baldelli et imprimée à Venise par Gabriel Giolito de’ Ferrari, était basée pour les cinq premiers livres sur la version latine de Bracciolini.[10] Le succès et l’influence européennes de la latinisation du Pogge doivent donc être mesurées non seulement par sa tradition manuscrite et imprimée, mais aussi par ses « ramifications » dans les principales langues vernaculaires européennes. Nous nous concentrons ici principalement sur les deux premières traductions italiennes anonymes, avec, toutefois, un excursus sur les versions de Macault et Skelton à la fin de cette contribution.
La première traduction italienne, qui sera identifiée avec la lettre « A », peut être datée environ des années 1460 et 1470. Sur une base linguistique, elle est attribuable à la région de Florence. Elle est transmise par deux manuscrits : Firenze, Biblioteca Nazionale Centrale, ms. Magliabechiano XXIII 46 (F) ; Yale, Beinecke Library, ms. Marston 73 (Y).[11]
La seconde traduction vernaculaire, que nous identifierons avec la lettre « B », est postérieure et totalement indépendante de la première : elle peut être datée entre la fin du XVe siècle et 1513. Sur le plan linguistique, elle est attribuable à la région du nord de l’Italie, entre la Lombardie, l’Émilie et la Vénétie. Elle est transmise par un seul manuscrit, conservé à Milan, Biblioteca Ambrosiana, ms. Trotti 301, qui est probablement un autographe du traducteur anonyme, corrigé et réécrit. Le texte fut ensuite imprimé à Florence en 1526 et réimprimé à deux reprises à Venise, en 1542 et 1547 : il a donc circulé largement en Italie au début du XVIe siècle.[12]
La traduction « A » est très littérale et ne s’éloigne du latin que pour quelques détails.[13] En revanche, la version « B » est beaucoup plus libre, pas fidèle à l’originale, et tend à résumer - ou quelquefois à couper - les parties du texte de Diodore plus redondantes et répétitives ; par conséquence, la traduction « B » finit par être beaucoup plus courte que « A ».[14]
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Venons-en maintenant aux passages textuels liés à Isis et Osiris qui nous intéressent. La première mention d’Isis et d’Osiris figure juste après la narration de l’origine primordiale de l’homme en Égypte. Diodore fait une présentation générale des deux divinités, décrivant leurs caractéristiques physiques et les attributs avec lesquels elles étaient représentées. Voici le passage (Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, I xi 1-4) :[15]
« Quoi qu’il en soit, les hommes nés en Égypte dans les temps anciens, ayant levé les yeux vers le monde céleste et frappés à la fois de stupeur et d’admiration devant la nature de l’univers, reconnurent qu’il existait deux divinités éternelles et primordiales, le soleil et la lune. Au premier ils donnèrent le nom d’Osiris, à l’autre celui d’Isis, chacune de ces appellations ayant une justification étymologique. En effet, traduit en grec, Osiris signifie “l’être aux multiples yeux”, ce qui est naturel, puisque le soleil envoie ses rayons de tous côtés et s’en sert comme d’yeux multiples pour contempler la terre et la mer dans toute leur étendue. Et le poète est d’accord avec cette interprétation lorsqu’il dit : “Le soleil qui voit tout et entend tout”. D’autre part, certains des anciens mythologues grecs donnent à Osiris le nom de Dionysos et celui, à la consonance voisine, de Sirius. Eumolpus est du nombre, lui qui écrit dans ses Bacchica : “Dionysos brillant comme un astre, toi dont chaque rayon est un oeil de flamme”, et Orphée dit : “C’est pourquoi on l’appelle Phanès et Dionysos”. Enfin, certains prétendent que le vêtement de peau de faon qui enveloppe le dieu évoque le dessin diapré des étoiles [Φασὶ δέ τινες καὶ τὸ ἔναμμα αὐτῷ τὸ τῆς νεβρίδος ἀπὸ τῆς τῶν ἄστρων ποικιλίας περιῆϕθαι]. Quant à Isis dont le nom signifie “l’ancienne”, cette appellation lui vient du caractère antique et éternel de sa naissance. On lui attribue des cornes pour rappeler son aspect quand elle prend la forme d’un croissant [κέρατα δ’αὐτῇ περιτιθέασιν ἀπὸ τε τῆς ὄψεως ἣν ἔχουσα ϕαίνεται καθ’ ὃν ἂν χρόνον ὑπάρχῃ μηνοειδής] et aussi parce que chez les Égyptiens une vache lui est consacrée ».
Dans la traduction latine du Pogge - le premier « maillon » de la chaîne de transmission qui, du grec, arrive à la langue vernaculaire - la présentation des deux divinités est plutôt fidèle. Seuls quelques détails mineurs sont perdus :[16]
Igitur primi illi homines olim in Egypto geniti hunc mundi ornatum conspicientes admirantesque universorum naturam duos esse deos et eos eternos arbitrati sunt, solem videlicet et lunam : et hunc quidem Osiridem, hanc Isidem certa nominis ratione appellarunt. Et Osiridem quidem greca interpretatione ut qui suis radiis veluti pluribus oculis terram ac mare lustraret multos oculos habentem dixere. Cui ea poete quoque verba congruunt solem omnia respicientem dicentis atque audientem. Grecorum vero quidam qui antiquiores fabulas scripserunt Dionysium Syrium cognomine appellant, quorum Eumolpus in Carminibus Bachicis inquit : « Dionysium astrum insigne incensum radiis ». Orpheus vero eum splendentem ac Dionysium vocat. Aiunt etiam quidam cognomen illi a pelle propter astrorum varietatem inditum. Isidem vero interpretatam esse antiquam, sumpto nomine ab eterno et veteri eius ortu. Addunt illi cornua tum propter aspectum - ita [Ø] enim videtur quo tempore primis diebus apparet - tum quia bos ei ab Egyptiis sacrificatur.[17]
Le Pogge a confondu τὸ ἔναμμα (< ἐνάπτω), qui signifie littéralement « ce qui est attaché » - c’est-à-dire un vêtement, et dans ce cas précis un manteau - avec le grec ὄνομα (signifiant « nom ») et donc il a traduit cognomen illi … inditum.[18] Quant au terme νεβρίς, -ίδος, il s’agit de la « peau de faon », qui était une caractéristique représentative de Dionysos chez les Grecs. Par analogie entre Dionysos et Orisis, Diodore attribue également la nébride au dieu égyptien ; toutefois, il a été observé que « la description de Diodore peut s’appliquer aussi à la pardalide, peau de panthère portée par certains prêtres qui président aux sacrifices, les taches de la peau étant souvent représentées sous forme d’étoiles ».[19] Cependant, dans sa traduction le Pogge a utilisé le substantif générique pellis, sans préciser qu’il s’agit de la peau d’un faon (en latin, cela aurait été hinnuleus, - i), ou au moins d’une peau maculée. Le fait que la comparaison soit transférée au niveau du « surnom » (cognomen) attribué à Osiris, et non de l’attribut physique, ainsi que la référence du Pogge à une « peau » générique, omettant le détail relatif au faon, non seulement soustrait clarté et spécificité lexicale à la traduction, mais appauvrit également la charge descriptive, presque « figurative », du texte original. Le medium comparationis, c’est-à-dire les taches sur la peau du faon - soit qu’elles reportent directement à Dionysos ou qu’elles représentent symboliquement les étoiles - est manquant. Ainsi, la traduction latine finit par indiquer qu’Osiris reçoit un surnom qui dérive d’une peau sans autre précision, et non, comme dans le texte original, qu’Osiris est représenté portant une peau maculée qui évoque Dionysos (ou les étoiles). Seul le lecteur instruit, capable de récupérer de manière autonome dans son bagage culturel la référence à la peau de faon, pouvait saisir pleinement l’analogie complète avec Dionysos. Quant à la description d’Isis, on observe seulement que Poggio a omis la forme précise assumée par la lune à certains moments, celle de « croissant » (< μηνοειδής), forme en raison de laquelle une analogie morphologique est établie avec les cornes, qui sont un attribut représentatif d’Isis. Mais l’impact sur la compréhension générale du passage dans ce cas est mineur.
Dans l’ensemble, donc, la traduction de Pogge transmet fidèlement la représentation des deux divinités égyptiennes, à l’exception des détails que nous avons remarqués.
La situation se complique dans les deux traductions vernaculaires, qui subirent deux types de problèmes différents : d’une part, la compétence linguistique et plus largement culturelle de leurs traducteurs anonymes respectifs ; d’autre part, le degré d’exactitude du texte latin qu’ils avaient devant eux. Les recherches sur la tradition manuscrite et imprimée des traductions vernaculaires de Diodore en relation avec la traduction latine de Pogge ont permis d’établir que la version la plus ancienne, « A », dérive d’une branche très large de la tradition latine (appelé b), caractérisée par peu d’erreurs distinctives qui peuvent être retracées avec certitude dans le texte vernaculaire. Il y a toutefois quelque cas dans lesquels on peut soupçonner que la traduction vernaculaire a été déterminée par une erreur textuelle provenant de la version latine.[20] En revanche, la traduction vernaculaire « B » a presque certainement été traduite d’un incunable imprimé à Venise en 1496, qui porte de nombreuses erreurs caractéristiques reflétées dans la version vernaculaire.[21] En tenant compte de ces éléments, nous allons maintenant examiner les textes vernaculaires.[22]
Texte « A » (I xi 1-4) :
Adumque quegli primi huomini per l’adrieto generati nello Egipto vegiendo questo ornato del mondo et maravigliandosi della natura dello ’niverso stimorono essere due iddii, et quegli essere etterni, cioè il Sole e la Luna. Et per certa ragione del nome l’uno veramente apelorono Ossiride et l’altro Isside. Et Ossiride per certa greca interpretatione dissono havere molti occhi, come quello che cho’ suoi razi sì come co· molti occhi circundasse la terra et il mare, alla qual cosa ancora paiano che quadrano le parole del Poeta, dicendo il sole raguardare et udire ogni cosa. Ma de’ Greci certi e quali scripsono le favole più antiche lo chiamano per cogniome Dionisio Sirio, de’ quali Eumolpo ne’ «Versi bachici» dice «Dionisio stella nobile accesa di razzi», ma Orpheo lo chiama isprendiente et Dionisio. Dicono ancora alquanti essergli istato posto per sopranome Appollo, per la varietà delle stelle. Ma Iside dicono essere interpretata «anticha», preso il nome dallo eterno, vecchio suo nascimento. Agiungo×gli ancora le corna sì per lo aspetto suo – perché così appare per in quel tempo che in que’ primi dì apariscie –, et sì ancora perché dagli Egiptii il bue l’è sacrificato.
Dans le passage à la langue vernaculaire, la représentation d’Osiris a subi une métamorphose : la phrase Aiunt etiam quidam cognomen illi a pelle propter astrorum varietatem inditum a été traduite par Dicono ancora alquanti essergli istato posto per sopranome Appollo, per la varietà delle stelle (« Certains disent encore que lui a été donné pour surnom “Appollo”, pour la variété des étoiles »). D’où vient la référence à Apollo ? Une explication plausible est la suivante : quatre manuscrits appartenant à la branche de la tradition latine dont dérive la traduction A (= b, voir supra) lisent ici apelle - avec scriptio continua - au lieu de a pelle, préposition + ablatif (ce sont les manuscrits Bologna, Biblioteca Universitaria, ms. 619 ; Chicago, University Library, ms. 14 ; Glasgow, University Library, ms. Gen. 193 ; Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, ms. Urb. lat. 431). C’est en fait une faute plutôt facile, et il n’est pas exclu que d’autres manuscrits aujourd’hui perdus de la branche b portaient également apelle au lieu de a pelle. Une référence de ce type a dû déconcerter le traducteur, qui a été amené à comparer la divinité d’Osiris à celle d’Apollon, tandis que le texte grec original de Diodore comparait Osiris à Dionysos. La confusion, induite par une erreur dans la tradition latine, est également facilitée par le fait que juste au-dessus Osiris avait été comparé au soleil, et Apollon est le dieu du soleil. La référence cultivée à la peau de faon, le nébride, en tant qu’attribut du dieu Osiris, qui avait déjà été tempérée dans la traduction latine, est totalement éliminée de la traduction vernaculaire est totalement éliminée. Quant à Isis, notons en passant qu’ici aussi, concernant l’attribut des cornes, la référence à la forme de croissant est manquante, car elle avait déjà été perdue dans la traduction latine du Pogge.
Venons maintenant à la deuxième traduction vernaculaire, « B » (I v 1-4) :
Li Egyptii, primi vedendo l’ornamento mundano et considerata ben la natura delle cose, iudicoron che due eran li dii, et quelli eterni: Sole et Luna. Chiamando el Sole Osyris, la Luna Isis, con certa derivationealla greca. Che quel con li soi razi a guisa di occhi lustra la terra e il mare, et di qui li poeti dicono che il sole ode ogni cosa et vede. Alcuni più antiqui Greci, fabulando, lo chiaman Dionysio Syrio, del quale Eumolpo ne’ soi «Versi bacchici» dice che el simulacro suo apresso li Assyrii è tucto de ardenti razi cincto. Et Orfeo lo pone splendidissimo, et chiamal Dionysio. Alcuni dicon tal cognome essersi dato per la varietà di stelle ch’ el circundono. Isis vol dire «antiqua», atento el suo vechio, anzi eterno nascimento; dandoli le corna, sì per lo aspecto de’ soi primi giorni, sì perché li Egyptii li sacrificano el bove.
Deux points sont à noter. À propos du passage de la nébride, l’édition imprimée vénitienne de 1496, sur laquelle s’appuie le deuxième traducteur anonyme, ne porte pas la leçon apelle en scriptio continua, de sorte qu’il ne risque pas de confusion avec Apollon comme le premier traducteur. Cependant, il a pris la liberté d’éliminer complètement la référence à la peau, qui, privée de sa spécificité (les taches du faon), avait perdu son sens. Ainsi, il traduit simplement : Alcuni dicon tal cognome essersi dato per la varietà di stelle ch’ el circundono (« certains disent que ce nom [scil. celui de Dionysos] a lui été donné pour la variété des étoiles qui l’entourent »). Le deuxième point intéressant dans la traduction vernaculaire B est la phrase Eumolpo ne’ soi «Versi bacchici» dice che el simulacro suo apresso li Assyrii è tucto de ardenti razi cincto (« Eumolpe dans ses “Vers bacchiques” dit que sa statue parmi les Assyriens est entourée de flammes ardentes »). Cette phrase devrait traduire le latin Eumolpus in « Carminibus bacchicis » inquit « Dionysium astrum insigne incensum radiis ». Comment explique-t-on la référence à une statue d’Osiris chez les Assyriens, dont il n’y a aucune trace ni dans le texte grec de Diodore, ni dans la traduction latine de Poggio ? Le traducteur vernaculaire a-t-il vraiment pris autant de liberté pour inventer la présence de cette statue ? La réponse est autre. Dans ce passage, l’édition vénitienne de 1496 porte une erreur. On y lit : Eumolpus in « Carminibus bacchicis » inquit « Dionysium asorum insigne incensum radiis ». Asorum n’a aucun signifié. Le traducteur, cependant, a essayé d’extraire un sens d’un passage corrompu. Il a interprété insigne comme un nom neutre (insigne, insignis), qui peut signifier « emblème, ornement, décoration ». Il lui a attribué le sens de « statue », puis a fait une conjecture. Il a émis l’hypothèse que l’erreur asorum implique un génitif Assyriorum, et a traduit el simulacro suo apresso li Assyrii (« sa statue chez les Assyriens »). Et ainsi se matérialise une statue d’Osiris chez les Assyriens, qui en réalité n’a jamais existé.
Jusqu’à présent, on a traité d’un passage du chapitre xi du livre I, où Isis et Osiris font leur première apparition. Poursuivant plus loin dans le récit, Diodore s’arrête pour décrire les exploits accomplis par les deux dieux égyptiens au profit de l’humanité, puis consacre plusieurs chapitres à la célèbre histoire du meurtre d’Osiris par Typhon, de son démembrement en vingt-six parties, de la vengeance menée par son fils Horus, de la recomposition du corps d’Osiris par Isis et enfin, de la construction du tombeau par la déesse pour son mari. Dans le chapitre crucial où les exploits d’Isis et d’Osiris en tant que bienfaiteurs de l’humanité sont présentés, il y a une véritable métamorphose des rôles des deux divinités dans la chaîne de traductions du grec au latin et du latin à la langue vernaculaire, c’est-à-dire un échange de rôles entre les divinités. Comme on le verra, la cause est à nouveau à chercher dans la tradition textuelle, et a un fort impact sur le sens général qui est transmis aux lecteurs vernaculaires.
On présente le passage grec en traduction française (Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, I xiii, 4 -xv, 4) :
« Celui-ci [scil. Cronos], ayant épousé sa sœur Rhéa, engendra, selon certains mythologues, Osiris et Isis, mais, suivant l’opinion du plus grand nombre, Zeus et Héra qui, par leur vertu, méritèrent de régner sur tout l’univers. De ceux-ci naquirent cinq dieux dont chacun vint au monde successivement dans les cinq jours complémentaires de l’année égyptienne. Les noms de ces enfants sont Osiris, Isis, et aussi Typhon, Apollon et Aphrodite. Osiris, une fois traduit, donne Dionysos, et Isis est vraiment très proche de Déméter. Ayant épouse Isis, Osiris obtint la royauté et, par de nombreux bienfaits, améliora la vie en société. Tout d’abord, il amena le genre humain à renoncer au cannibalisme. En effet, lorsqu’Isis eut découvert les fruits du froment et de l’orge, qui croissaient dans le pays à l’état sauvage, mêlés à d’autres herbes et encore inconnus des hommes, et qu’Osiris eut inventé en outre l’art de le cultiver, tous furent heureux de changer de nourriture, appréciant la saveur agréable des fruits ainsi découverts, ainsi que l’avantage évident d’échapper aux traitements cruels qu’ils s’infligeaient mutuellement. D’ailleurs, pour prouver que la découverte des fruits dont nous parlons se fit dans leur pays, les Égyptiens allèguent un usage ancien qu’ils observent toujours : actuellement encore, au temps de la moisson, les gens du pays, en consacrant les premiers épis qu’ils ont coupés, se frappent la poitrine auprès de la gerbe et invoquent Isis. Cette cérémonie a pour but de faire hommage à la déesse de ses découvertes à la saison de sa première trouvaille. En outre, dans certaines villes, lors des fêtes d’Isis, on porte en procession, parmi d’autres objets, des corbeilles de froment et d’orge, rite institué en souvenir de l’ingénieuse invention faite jadis par la déesse. Ils disent aussi que c’est Isis qui a établi les lois d’après lesquelles les hommes se rendent mutuellement justice, et qu’elle a fait cesser, grâce à la crainte des châtiments, la force brutale et la démesure. C’est pourquoi les anciens Grecs appelaient Déméter Thesmophoros (“législatrice”), parce que la première elle avait établi des lois. Ils disent aussi qu’Osiris fonda en Thébaïde d’Égypte une ville aux cent portes. Son fondateur lui avait donné le nom de sa mère, mais la postérité la baptisa Diospolis et certains l’appelèrent Thèbes. A vrai dire, l’accord n’est pas fait au sujet de la fondation de cette ville, ni parmi les historiens, ni même parmi les prêtres égyptiens. Ainsi, plusieurs auteurs racontent que ce n’est pas Osiris qui a fondé Thèbes, mais, bien des années plus tard, un autre roi dont nous parlerons en détail, le moment venu. Osiris, cependant, construisit également en l’honneur de ses parents, Zeus et Héra, un sanctuaire, remarquable par sa taille et la magnificence de l’ensemble, mais aussi par deux chapelles en or dédiées à Zeus, la plus grande au Zeus céleste, la plus petite à celui qui avait été leur roi et leur père, celui que certains nomment Ammon. Il fit faire également des chapelles d’or dédiées aux autres dieux que nous avons cités, régla les honneurs que l’on devait leur rendre et institua des prêtres chargés de leur culte ».
En résumé, selon Diodore, les mérites d’Isis et d’Osiris envers l’humanité sont les suivants.
Isis :
- la découverte du blé et de l’orge ;
- d’avoir établi des lois, mettant ainsi fin à la violence mutuelle entre les hommes.
Osiris :
- d’avoir enseigné aux hommes l’agriculture (après qu’Isis eut découvert le blé), et donc d’avoir fait renoncer les hommes au cannibalisme ;
- d’avoir construit une ville de cent portes (nommée Thèbes d’Égypte, ou Diospolis) et d’y avoir construit des temples et des chapelles en l’honneur de ses parents, Jupiter et Junon, et d’autres divinités ;
- d’avoir établi les rites nécessaires pour honorer ces divinités et d’avoir ordonné des prêtres à leur culte.
Les deux derniers points indiquent qu’Osiris a joué un rôle important en tant que constructeur de temples et surtout dans la fondation des rites, et donc un rôle religieux fondamental. Voyons ce qui se passe dans la traduction du Pogge.[23]
Deinceps Saturnum qui sororem Rheam ceperit uxorem aiunt extitisse, genuisseque secundum quosdam Osiridem et Isidem. Plures genuisse Iovem ac Iunonem tradunt, qui propter virtutem universo orbi imperarint. Hos quinque genuisse deos, prout apud Egyptios dies habentur quinque intercalares : Osiridem, Isidem, Tifona, Apollinem et Venerem. Et Osiridem interpretatum Dionysium, Isidemvero Cererem. Hac Osiris in uxorem sumpta regnoque suscepto, multa contulit ad usum vite communis. Eius enim virtute mutue cibi causa cedes hominum cessarunt. Invento enim ab Iside primum tritico et ordeo, que prius incognita hominibus casu inter ceteras herbas oriebantur, ab Osiride vero eorum fructum cibi utilitate animadversa omnes eo nutrimenti genere esse usos, tum propter cibi reperti suavitatem, tum quia utile videbatur sevitie crudelitatisque promiscue causam abesse. Signa huius invente segetis ferunt quod ab eis veteri lege et nunc quoque observatur ut messores estate spicas maturas ad manipulum excerpunt in dee oblaionem atque Isidem invocent, honorem ei deo invente frugis reddentes. Apud quasdam vero urbes in Isidis pompa inter reliqua triticum et ordeum in memoriam repertorum ferri. Leges quoque Isidem statuisse ferunt quibus iustitia eque omnibus servaretur, vi atque iniuria timore pene submotis. Hac de causa priscos grecos Isidem « legiferam » appellarunt, tamquam primam legum inventricem. Fertur etiam Osiridis [Isidis mss. et imprimés] tempore condita esse urbs [Κτίσαι δέ ϕασι τοὺς περὶ τὸν Ὄσιριν πόλιν] in Thebaida Egypti centum portarum a matre denominata. Posteri vero partim Iovis civitatem, nonnulli Thebas dixere. Eius enim conditorem urbis non solum reliqui scriptores, sed etiam Egyptii sacerdotes incertum habent. Plures tradunt non Osiridis tempore, sed multos post annos a rege quodam Thebas fuisse conditas. Verum de hoc posterius suo loco dicetur. Erexit quoque templum Iovi et Iunoni parentibus insigne tum magnitudine tum ornatu. Duo insuper templa aurea statuit, unum maius Iovi celesti, alterum minus Iovi regi eorum patri quem quidam Ammonem vocant. Fecit etiam aliis diis quos retulimus aurea templa, honoribus cuilibet et sacerdotibus institutis.[24]
L’expression Fertur etiam Isidis tempore condita esse urbs devrait correspondre au grec « Κτίσαι δέ ϕασι τοὺς περὶ τὸν Ὄσιριν πόλιν », « on dit qu’Osiris a fondé une ville ». L’expression οἱ περὶ τὸν δεῖνα est typique du grec hellénistique de Diodore et peut désigner à la fois un personnage avec son entourage, ou le seul personnage ; ici il représente le seul personnage : Osiris. Poggio, incertain face à cette construction, a compris l’expression dans un sens temporel : il traduit tempore, « au temps de... ». Mais ce n’est pas surprenant. Le plus inattendu est plutôt le fait que toute la tradition manuscrite et les éditions imprimées ont Isidis tempore, et non Osiridis tempore, comme on pourrait s’y attendre. Pourquoi le Pogge dans sa traduction échange-t-il les rôles d’Isis et d’Osiris, donnant à la déesse une action méritoire que le mythe attribue à son mari et frère Osiris ?
En réalité, il ne s’agit pas d’un choix de traduction du Pogge, mais plutôt d’une faute textuelle de l’ensemble de la tradition, ce qu’on appelle en philologie une « erreur d’archétype » : une erreur qui caractérisait une copie maintenant perdue dont dérivent toutes les autres. Dans ce cas, il s’agit d’une erreur dite « polaire », dans laquelle un élément est remplacé par son opposé, ou, dans le cas de paires fixes de noms, par l’autre élément de la paire.[25] Dans cette partie du texte, la paire de noms Isis-Osiris est répétée plusieurs fois : le Pogge avait certainement traduit correctement Osiridis tempore, mais le copiste chargé par le Pogge de faire une belle copie de son autographe s’est trompée à force de transcrire Isis-Osiris, et à ce stade, il a copié Isidis au lieu du correct Osiridis. À partir de cette copie d’archétype, l’erreur a été transmise à toute la tradition. La leçon Isidis tempore ne peut pas être considérée comme un choix autonome, innovative du Pogge. Cela est confirmé par une donnée. En fait, si l’on acceptait le texte latin avec la leçon Isidis tempore, juste en dessous on serait confronté à une contradiction flagrante : Plures tradunt non Osiridis tempore, sed multos post annos a rege quodam Thebas fuisse conditas (« Beaucoup disent que la ville de Thèbes n’a pas été fondée à l’époque d’Osiris, mais de nombreuses années plus tard, par un certain roi »). Cette phrase n’a aucun sens si l’on imagine que la prémisse était Fertur etiam Isidis tempore condita esse urbs. Il faut donc corriger l’erreur polaire Isidis par le correct nom Osiridis. En raison de cette erreur, qui s’est glissée dans la tradition de manière très uniforme, le crédit pour la fondation de Thèbes d’Égypte est attribué à Isis. L’attribution de la construction de temples et de l’établissement de rites et de prêtres utilisés pour le culte des dieux reste ambiguë, car en latin l’expression a le sujet inexprimé : Erexit quoque templum Iovi et Iunoni parentibus » (« Il [ou elle ?] a construit un temple à ses parents, Jupiter et Junon »). Qui est-ce ? Isis ou Osiris ? Comme Isis et Osiris, avant d’être mari et femme, étaient frères, fils de Jupiter et Junon, l’expression convient également aux deux.
Apparemment, les nombreux lecteurs et copistes du texte latin n’ont pas remarqué l’erreur (qui est assez bien camouflée dans le contexte), ni aperçu l’incohérence qui en découle: je ne suis au courant d’aucune copie manuscrite ou imprimée dans laquelle quelqu’un a remplacé Isidis tempore par le correct Osiridis tempore. Le cas des traducteurs vernaculaires anonymes est différent. Engagés dans une tâche laborieuse d’interprétation, et donc dotés d’une capacité d’attention beaucoup plus élevée qu’un lecteur ordinaire, les traducteurs se sont posés la question. Nous allons maintenant voir comment ils ont réagi et quelles stratégies de compensation ils ont mises en place pour restituer un sens au passage. Voici les textes.
Traduction vernaculaire « A » (I xiii 4 – I xv 4) :
Dicono dipoi essere regniato Saturno, il quale prese per moglie Rea sua sorella. Et dicono secondo alquanti avere generato Osiride et Iside, et molti dicono Giove et Giunone, i quali per le loro virtù signioreggiorono l’universo. Apresso dicono questi havere generati dipoi cinque iddii, sì chome apresso degli Egiptii sono chiamati cinque dii, cioè Osiride, Iside, Tifana, Appoline et Venere. Dicono Osiride essere interpetrato Dionisio et Isside Cerere, la quale Osiride dipoi presa per moglie et preso il regnio molte cose rechò all’uso et utilità della vita comune. Imperò chi per la sua virtù si cessorono l’uccisione degli uomini l’uno coll’altro, che seghuitavano per cagione del cibo. Perché, trovato primamente da Isside il grano et l’orzo, le qual biade a chaso intra l’altre erbe incognite agli huomini nascevano, ma da Osiride considerata la utilità del cibo di que’ frutti, dicono tutti avere usato quella generatione del nutrimento, sì per la suavità del cibo trovato et sì perché utile pareva l’essere rimossa la chagione della sevitia et crudeltà l’uno coll’altro. Dicono i segni di questa trovata biada, come da lloro per anticha legge et ancora oggi similmente è observato, che i metitori la state isvegliano una menata di spighe per offerta della iddea et invocono Iside, rendendo honore et gratie a quella per cagione della trovata biada. Ma appresso alquante ciptà nelle pompe d’Iside intra l’altre cose dicono il grano et l’orço eservi portato per memoria degli inventori. Apresso dicono Iside havere statuito legge, colle quali ogniuna fusse observata equalmente la giustitia, rimossa la ingiuria et la forza per il timore della pena. Et per questa cagione gli antichi Greci appellorono Iside ‘legifera’, sì chome prima inventrice delle legge. Dicono oltre a questo nel tempo d’Isside essere stata edificata la terra in Thebaida d’Egipto, nominata dalla madre ‘terra di cento porte’; ma alquanti discendenti la chiamano ciptà di Giove padre, et alquanti altri Thebe. Imperò che quale fusse l’edificatore di quella terra non solamente gli altri scriptori, ma ancora i sacerdoti d’Egipto l’ànno incerto. Molti dicono Thebe essere stata hedificata da uno certo re d’Egipto – non al tempo *d’Isiride, ma molti anni dipoi –, del quale più oltre nel suo luogho diremo. Edifichò Iside oltre a questo un tempio nobile di grandezza et d’ornato a Giove et a Giunone suoi genitori, et statuì due templi d’oro, del quale il maggiore dedicò a Giove celeste et l’altro minore a Giove re padre di loro, il quale certi il chiamano Amone. Fece ancora ad altri iddii i quali di sopra noi abiamo racconti altri templi d’oro, a ciaschuno ordinato gli honori et sacerdoti.
Traduction vernaculaire « B » (I vii 4 – I ix 4) :
Saturno, tolta Rhea sorella sua per moglie, secondo alcun ne generò Osyri et Isi. Più assai furon li figli di Iunone et Iove, e quali per la lor virtù signoreggioron tutto, e furon cinque, quanti son li giorni lì intercalari. Osyri, dicto Dionysio, generò Tifone, Apollo et Venere. Ma Isi, che li Greci dicon Cerere, tolta per donna dal fratello, molte cose trovò ad uso nostro, et per la sua virtù cessoron li homicidi che nascevano per volersi ognun cibare prima sotto li arbori o pe’ i campi. Perché, trovato el grano et l’orzo – incognito fra l’altre herbe – et piaciuto ad Osyri, ne fecion seminare assai; talché, havendone ognun, non se azuffavan più per el victo. Et che Isi fussi inventrice delle biade, le antique leggi lo dimostrano hoggi lì perpetuate, ciò è che li metitori, subito che si può, fanno un mazo di spighe mature, et invocando el nome suo glien’ offeriscono. Et alcune ciptà con l’altre pompe de Iside portano atorno el tritico et l’orzo per memoria che lei ne fu inventrice. Dicon che Isi anchor ordinò leggi, mediante le quali iustitia se observassi, tolta via violentia, iniuria, pena et timore, onde è dicta «legifera». Et che alli tempi sua [= d’Isis, dernier personnage mentionné]fu edificata nella region Thebaida la ciptà di cento porte, nominata dalla matre, benché se intitulassi poi ciptà di Iove, et spesso Thebe. Ma chi la edificassi non sol apresso alli externi, ma apresso a’ sacerdoti è incerto. Dicesi anchor che molto dopo ad Iside un re la edificò, del che parleren in altro loco. Construxe Isi un templo a Iove et Iunon soi genitori, nobile di grandeza et de ornamento. Poi due altri de auro, l’un maggiore a Iove celeste, l’altro minore a Iove patre suo, el qual dicemo esser chiamato Hammone; et altri ne fé alli dii sopra memorati, con lor sacerdoti et cerimonie.
Le résultat peut être deviné en un coup d’œil.[26] Pour éliminer l’incohérence causé par les deux syntagmes Fertur etiam Isidis tempore condita esse urbs (chargé d’erreur)et Plures tradunt non Osiridis tempore […] Thebas fuisse conditas, suivis d’un verbe sans sujet (erexit), toutes les actions ont été attribuées à Isis : fondation de la ville, construction de temples, initiation du culte des divinités et institution des prêtres. Il y a toutefois quelque décalage remarquable entre les solutions adoptées par les deux traducteurs, qui sont caractérisés par une approche très différente des méthodes de traduction. Le premier, venu à rendre en langue vernaculaire Plures tradunt non Osiridis tempore, a saisi l’incohérence et a été pris par un doute : Isis ou Osiris ? Mon hypothèse est que les deux manuscrits de la tradition (F et Y), qui concordent en reportant une curieuse leçon hybride du nom, Isiride, reflètent précisément le doute du traducteur : dans son autographe il avait peut-être écrit Osiride sur la ligne et Iside dans l’interligne, ce qui aurait produit l’hybride Isiride dans l’archétype commune à F et Y.[27] La suite des actions, où la phrase était sans sujet en latin, est attribuée entièrement à la déesse Isis seule : cela indique à mon avis que le traducteur dans son autographe avait probablement décidé de substituer Iside à Osiride dans le passage précédent.
En ce qui concerne le texte vernaculaire B, dans la seconde partie du texte la fondation de Thèbes, la construction des temples et l’institution des cultes sont sans hésitation attribuées à Isis. Mais il y a plus : même dans la première section textuelle, le traducteur a presque entièrement fait disparaître Osiris du récit, ou du moins l’a relégué à un rôle très marginal. La cessation des luttes entre les hommes à la suite de l’invention de l’agriculture est aussi attribuée principalement à la déesse plutôt qu’au dieu, et ensuite au couple Isis-Osiris (le verbe ne fecion seminare, « ils en firent semer », est conjugué au pluriel), mais pas au dieu seul, comme c’est le cas dans l’original grec et dans la traduction latine du Pogge : Ma Isi, che li Greci dicon Cerere, tolta per donna dal fratello, molte cose trovò ad uso nostro, et per la sua virtù cessoron li homicidi che nascevano per volersi ognun cibare prima sotto li arbori o pe’ i campi. Perché, trovato el grano et l’orzo – incognito fra l’altre herbe – et piaciuto ad Osyri, ne fecion seminare assai; talché, havendone ognun, non se azuffavan più per el victo (« Mais Isis, que les Grecs appellent Cérès, prise pour femme par son frère, trouva beaucoup de choses pour notre usage, et par sa vertu cessèrent les meurtres parmi les hommes. Ayant trouvé du blé et de l’orge, ce qui plaisait à Osiris, ils les firent semer. Et donc, puisque tout le monde pouvait l’avoir, les hommes ont cessé de se battre entre eux pour la nourriture »).[28]
Donc, dans la chaîne interprétative des traductions qui, à partir du texte grec, arrive aux deux versions vernaculaires, le mythe du couple divin égyptien a pris une forme différente, et Isis en ressort avec un rôle prédominant par rapport à son frère-mari Osiris. Cet exemple me semble très approprié [pour décrire les… et les… ?] des vicissitudes et des réécritures, parfois involontaires, auxquelles les textes et leurs significations sont soumis lorsqu’ils « traversent » le temps et les langues. Ainsi, cette petite erreur Isidis tempore par Osiridis tempore, qui a comporté un changement de perspective d’Osiris à Isis, laquelle devint ainsi le fondateur des temples et des cultes, a influencé de nombreux lecteurs de la Renaissance, pas seulement italienne.
L’observation des deux traductions les plus anciennes de Diodore en français et en anglais concernant les premiers livres de la Bibliothèque historique révèle que la faute Isidis tempore s’est exportée au-delà des Alpes et de la Manche. La traduction française d’Antoine Macault, limitée aux livres I-III de Diodore, a été faite pour le roi de France François Ier ; elle est transmise par le splendide manuscrit dédié au roi, aujourd’hui conservé au musée Condé de Chantilly, n° 721, et a été imprimée en 1535.[29] La traduction anglaise fut préparée entre 1478 et 1490 par l’humaniste John Skelton, précepteur du futur Henri VIII d’Angleterre ; elle est conservée seulement dans le ms. Cambridge, Corpus Christi College, n° 357, qui s’arrête in medias res dans le livre IV de Diodore (mais on a l’évidence que Skelton avait traduit l’ensemble des cinq premiers livres de Diodore).[30] Les deux versions, française et anglaise, ont pour base la traduction du Pogge et ont dû donc se confronter à l’erreur Isidis tempore. Leur réaction est comparable à celle des traducteurs italiens : ils ont eux aussi changé la suite du mythe (avec la seule différence que Macault et Skelton n’ont pas remédié à l’incohérence provoquée par le syntagme Plures tradunt non Osiridis tempore […] Thebas fuisse conditas, qui a été reproduite en français et anglais). Par conséquence, même pour les lecteurs français et anglais de Diodore entre la fin du XVe siècle et le début du XVIe siècle, Isis fut la fondatrice de Thèbes d’Égypte, bâtisseuse de temples et institutrice de cultes.
Antoine Macault[31] |
John Skelton[32] |
[…] Et se dit en oultre que du temps de ceste Isis fut construite en la Thebaide d’Egypte une ville où y avoit cent portes, et fut appellée par le nom de sa mère. Mais des derniers, les aucuns l’ont nommée la Cité de Iupiter, les autres Thèbes. Toutesfoiz, qui ayt esté le premier constructeur de celle cité il est incertain, tant aus dictz prestres egyptiens, comme à tous autres qui en ont escript, plusieurs desquelz ont maintenu qu’elle n’avoit esté faicte du temps d’icelluy Osiris, ains longtemps depuis, par ung des royz d’Egypte. Mais de cecy sera plus à plain faicte mention en son lieu cy apres. Davantaige la dicte Isis feit bastir et ériger en l’honneur de Iupiter et de Iuno ses progéniteurs ung temple sumptueux et magnifique, tant en grandeur comme en excellence et beaulté, et deux autres tabernacles d’or, desdiez l’un plus grand à Iupiter du ciel, et l’autre moindre au roy Iupiter leur père, que les aucuns ont appellé Ammon, comme dit est. Elle fait aussi pour l’honneur et révérence des autres dieux que nous avons nommez autres semblables tabernacles d’or, establissant à chacun d’eulx prelatz et autres dignitez honnorables. |
[…] It is also reported how in the tyme of Isis ther was edefyed a cyte in Thebayde of Egipte contenynge an hondred gates, to whome by denomynacion the name was appropryd of her moder. Afterward somme said it was Iupyters cyte, and somme callyd it Thebes. But who was first founder of this cyte, as well the prelates Egipcyen as other historyens haue none assurid determynacion. Many holde this oppynyon how it ne was bylded in Osiris tyme, but many yeres after it was edyfyed after by a kynge, and to it was the name of Thebas entytled. How-be-it, of this in his couenable place here-after more largely shal be rehersed. More-ouer she reysed vp a temple of new fondacion in a noble memoriall of her progenytours, Iubyter et Iuno, as wel huge in quantite / as curyously wrought. And beyonde this, she ordeyned two templis of gold. One of theym, whiche was the biggest, was dedycate vnto the heuenly Iupyter, and that other, that was lesse, she ordeyned vnto the worship of Iupyter her fader whiche, after dyuerse oppynyons, was called Ammones. And to alle other goddis remembrid to-fore, she founded templis of golde and theym endowed with honourable ceremonyes et prelacye. |
Pour conclure ma communication, je voudrais donner un exemple de la longue persistance et « fertilité » de cette erreur dans la tradition textuelle de la Renaissance. L’un des plus célèbres traités d’architecture italien du XVe siècle est le De re aedificatoria de Leon Battista Alberti (1404-1472), complété en 1452.[33] Alberti et le Pogge se connaissaient bien - ils étaient tous deux à Rome au service du pape Nicholas V pendant les années de composition de l’ouvrage - et Alberti a utilisé comme source la traduction de Diodore du Pogge, composée en 1449. Dans le livre VII du De re aedificatoria, Alberti traite des édifices sacrés. La section consacrée aux temples s’ouvre sur un excursus historico-mythologique, dans lequel Alberti inclut les premiers fondateurs mythiques de temples dont l’humanité a la mémoire. En sixième position, après Janus en Italie, Jupiter en Crète, Eshmun en Phénicie, Dionysos en Inde et Cécrops en Grèce, nous trouvons Isis en Égypte, pas Osiris, et la citation vient clairement du Diodore du Pogge : Isim quoque quam eandem legiferam deam nuncuparunt, que prima ex deorum genere vivere legibus suis instituerit, templum Iovi et Iunoni parentibus principio fecisse, sacerdotesque decrevisse referunt (« Ils disent aussi qu’ils appelèrent la même déesse “législatrice”, qui fut la première de la race des dieux à enseigner qu’il faudrait vivre selon le lois, qui bâti un temple pour ses parents Jupiter et Junon, et qui institua des prêtres »).[34]
[1] Diodore de Sicile, Bibliothèque historique. Tome I, Livre I, éd. P. Bertrac et F. Chamoux, traduction par Y. Vernière, Paris, Les Belles Lettres, 1993, p. cxlii n. 184; Diodore de Sicile, Bibliothèque historique. Fragments.Livres XXI-XXVI, éd. P. Goukowsky, Paris, Les Belles Lettres, 2006, p. xii.
[2] J. Monfasani, « Diodorus Siculus », dans Catalogus translationum et commentariorum. Mediaeval and Renaissance Latin translations and commentaries, t. 11, dir. G. Dinkova-Bruun, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 2016, p. 61-152; sur Crisolora voir au moin Manuele Crisolora e il ritorno del greco in Occidente. Atti del convegno internazionale (Napoli 26–29 giugno 1997), dir. R. Maisano et A. Rollo, Napoli, Istituto universitario orientale, 2002; pour Crisolora et Diodore voir - avec la bibliographie précédente - M. Bandini, « Diodoro Siculo alla scuola di Manuele Crisolora », Studi medievali e umanistici, t. 17, 2019, p. 271-273. J’ai omis de citer ce dernier article dans mon C. Sideri, La fortuna di Diodoro Siculo fra Quattrocento e Cinquecento. Edizione critica dei volgarizzamenti della Biblioteca storica, libri I-II, Berlin-Boston, De Gruyter, 2022.
[3] Ibid., p. 6 n. 21-23. Pour une traduction en français et une autre en anglais voir infra.
[4] A. Cohen-Skalli et Didier Marcotte, « Poggio Bracciolini, la traduction de Diodore et ses sources manuscrites », Medioevo greco, t. 15, 2015, p. 63-107; C. Sideri, La fortuna, cit., p. 15-64, avec toute la bibliographie précédente.
[5] Ead., « Per la tipologia del manoscritto annotato: il caso dei marginalia autografi di Poggio Bracciolini alla sua traduzione di Diodoro Siculo », dans ‘Imago librorum’. Mille anni di forme del libro in Europa. Atti del convegno Rovereto-Trento 24-26 maggio 2017, dir. E. Barbieri, Firenze, Olschki, 2021, p. 257-327.
[6] Ead., La fortuna, cit., p. 21-29.
[7] Diodori Siculi Historiarum Priscarum ‹libri› a Poggio in Latinum traducti, Bononiae, [Baldassarre Azoguidi], 1472 (ISTC n° id00210000).
[8] Pour les traductions de Macault et Skelton voir infra.
[9] J. Monfasani, « Diodorus Siculus », cit., p. 80 n. 81.
[10] Historia, overo Libraria historica di Diodoro Siciliano delle memorie antiche […] tradotta di greco in latino da diversi Autori, e nella nostra lingua da M. Francesco Baldelli, con due tavole, una de’ nomi de’ luoghi antichi e moderni et l’altra delle cose notabili, t. 1-2, in Vinegia, per Gabriel Giolito de’ Ferrari, 1574-1575; voir aussi C. Sideri, La fortuna, cit., p. 12-13.
[11] Ibid., p. 6-8, 139-164, 253-347 (les manuscrits sont décrits à p. 253-257).
[12] Ibid., p. 8-10, 173-251, 353-393.
[13] Ibid., p. 99-116.
[14] Ibid., p. 185-209.
[15] Ici et dans la suite de l’article on donne le texte de Diodore selon la traduction française par Yvonne Vernière dans l’édition critique Diodore de Sicile, Bibliothèque historique. Tome I, Livre I, éd. cit.; on insère entre crochets les parties en grec qui sont pertinentes pour le discours.
[16] On donne le texte selon le ms. Princeton, University Library, Garrett 105, fol. 6r°-v°. Le manuscrit est numérisé au lien suivant : https://dpul.princeton.edu/msstreasures/catalog/cv43p163g. On conserve la graphie du manuscrit. Les interventions sont limitées à l’insertion de la ponctuation, les normalisations de l’usage de minuscules / majuscules et de u/v e i/j selon la consuétude moderne.
[17] « Ainsi, les premiers hommes nés en Égypte, voyant la beauté ordonnée du monde et émerveillés par la nature de l’univers, ont cru qu’il existait deux divinités éternelles, le soleil et la lune : ils ont appelé le premier Osiris, la seconde Isis, pour des raisons étymologiques. Et justement, ils appelaient Osiris, traduisant son nom en grec, “celui qui a beaucoup d’yeux”, car il regarde la terre et le ciel avec ses rayons, comme s’il s’agissait de beaucoup d’yeux. Les paroles du poète [scil. Homère] s’accordent également avec cette interprétation, lorsqu’il dit que le soleil voit et entend tout. Certains des anciens mythologues grecs lui donnent plutôt le nom de Dionysos Sirius. Parmi eux, Eumolpus, dans ses Bacchica, dit : “Dionysos étoile brillante, illuminée de rayons”. Orphée, quant à lui, l’appelle “lumineux” et Dionysos. Certains disent aussi que ce surnom lui a été donné à cause de sa peau, en raison de la variété des étoiles. Isis, quant à elle, signifie “ancienne”, car elle tire son nom du caractère ancien et éternel de sa naissance. On lui attribue des cornes soit en raison de son apparence (elle apparaît en effet sous cette forme pendant ses premiers jours), soit parce que les Égyptiens avaient l’habitude de lui sacrifier un bœuf ».
[18] Peut-être qu’il ne s’agit pas d’une erreur de lecture/conjecture fautive par le Pogge, mais plutôt d’une faute textuelle dans le manuscrit grec utilisé pour la traduction. L’apparat critique de Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, éd. cit., p. 42, n’indique aucune variante ici ; il faudrait contrôler le ms. Vat. gr. 995, qui fut probablement la source manuscrite primaire sur lequel le Pogge travailla, selon A. Cohen-Skalli et D. Marcotte, « Poggio Bracciolini, la traduction » (toutefois, ils ne signalent rien pour le passage qui nous intéresse).
[19] Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, éd. cit., p. 42 n. 2.
[20] C. Sideri, « Due volgarizzamenti quattro-cinquecenteschi della Biblioteca storica di Diodoro Siculo: primi sondaggi sulle fonti latine », StEFI. Studi di Erudizione e di Filologia Italiana», t. 8, 2019, p. 456-460, 465-471.
[21] Ibid., p. 456-465, 471-488. L’incunable est le suivant : Diodori Siculi a Pogio Florentino in latinum traducti De antiquorum gestis fabulosis ‹libri›, Venetiis, per magistrum Ioannem de Cereto de Tridino alias Tacuinum, 1496 (ISTC n° id00213000).
[22] On donne le texte selon l’édition critique publiée dans C. Sideri, La fortuna, cit., p. 401-647.
[23] Princeton, University Library, ms. Garrett 105, fol. 7v°-8r°.
[24] « Ensuite, on dit que vécut Saturne, qui prit pour épouse sa sœur Rhéa, et engendra, selon certains, Osiris et Isis. Beaucoup disent qu’ils ont donné naissance à Jupiter et Junon, qui ont gouverné le monde entier grâce à leur vertu. Ils donnèrent naissance à ces cinq dieux, comme chez les Égyptiens il y a cinq jours intercalaires : Osiris, Isis, Typhon, Apollon et Vénus. Et Osiris a été interprété comme Dionysos, et Isis comme Cérès. Osiris, ayant pris Isis pour épouse et assumé le royaume, contribua beaucoup à la vie commune des hommes. Car, grâce à sa vertu, ils cessèrent de se tuer l’un à l’autre pour se nourrir. En effet, une fois qu’Isis ait découvert pour la première fois le blé et l’orge - qui jusqu’alors étaient inconnus des hommes et qui croissaient par hasard parmi d’autres herbes -, et un fois qu’Osiris ait compris l’utilité de ceux fruits comme nourriture, tous les hommes les utilisèrent, soit pour la douceur des fruits ainsi découverts, ainsi que qu’il semblait utile d’échapper aux traitements cruels qu’ils s’infligeaient mutuellement. Ils disent qu’il y a des signes de cette découverte de la récolte, c’est à dire qu’ils observent selon une ancienne loi - et même maintenant - que les moissonneurs en été cueillent les épis mûrs en offrande à la déesse, et invoquent Isis, en honorant la divinité qui avait découvert le blé. Dans certaines villes, en outre, pendant les processions rituelles d’Isis parmi autres choses on porte du blé et de l’orge, en mémoire de ceux qui les ont découvertes. Isis aurait également établi des lois par lesquelles la justice et l’égalité devaient être préservées pour tous, ayant ainsi éliminé l’usage de la force brutale et l’injustice parmi les hommes, grâce à la crainte des châtiments. Pour cette raison, les anciens Grecs appelaient Isis « législatrice », en tant que première inventrice des lois. On raconte aussi qu’au temps d’Osiris [Isis mss. et imprimées], une ville aux cent portes fut fondée dans la Thébaïde d’Égypte, appelée du nom de sa mère. Mais la postérité l’appela en partie Cité de Jupiter, certains d’autres l’appelèrent Thèbes. Quant au fondateur de la ville, non seulement les autres écrivains, mais aussi les prêtres égyptiens sont incertains. Beaucoup rapportent que Thèbes n’a pas été fondé à l’époque d’Osiris, mais plusieurs années plus tard, par un certain roi. La vérité à ce sujet sera dite plus tard à sa place. Il érigea également un temple à ses parents Jupiter et Junon, remarquable tant par sa taille que par son ornementation. De plus, il érigea deux temples d’or, l’un plus grand au Jupiter céleste, l’autre plus petit à Jupiter le roi, leur père, que certains appellent Ammon. Il fit également des temples d’or pour les autres dieux que nous avons mentionnés, avec des honneurs pour chacun, et nomma des prêtres.
[25] S. Timpanaro, Il « lapsus freudiano ». Psicanalisi e critica testuale, Torino, Bollati Boringhieri, 2002, p. 52-57.
[26] On se limite à commenter les passages affectés par l’erreur Isidis tempore dans la traduction latine du Pogge. Mais on signale que la traduction vernaculaire B en particulier présente également d’autre problèmes et interprétations innovatives, qui ont déjà faites l’objet de commentaires dans C. Sideri, La fortuna, cit., p. 88.
[27] Pour l’existence d’un archétype commun à F et Y voir Ibid., p. 265-281.
[28] Pour cette innovation voir la discussionIbid.
[29] J. Monfasani, « Diodorus Siculus», cit., p. 81 n. 84, avec bibliographie.
[30] The « Bibliotheca Historica » of Diodorus Siculus translated by John Skelton, éd. H.L.R. Edwards et F. M. Salter, t. 1-2, London, Early English Text Society, 1956-1957; D. R. Carlson, « John Skelton », The Oxford History of Classical Reception in English Literature, Volume I: 800–1558, dir. R. Copeland, Oxford, Oxford University Press, 2016, p. 541-559;sur la traduction de Skelton, un article intéressant est en cours d’impression par J. Colley, « Diodorus Siculus in the English Quattrocento: New Light on the Source of Skelton’s “Bibliotheca historica” », Medium Ævum ; je remercieDr. Colley pour m’avoir permis de le lire avant la publication officielle.
[31] On cite l’édition Les troys premiers livres de l’histoire de Diodore Sicilien, historiographe grec, translatez de latin en francoys par maistre Anthoine Macault notaire secretaire et vallet de chambre ordinaire du Roy Francoys premier, Paris, [G. Tory], 1535 : Washington, Library of Congress, Rosenwald Collection, 65059120 (dont il existe une reproduction numérique : www.loc.gov/item/65059120/), fol. 10r°-v°).
[32] The « Bibliotheca Historica » éd. cit., p. 30-31.
[33] Leon Battista Alberti, L’architettura (De re aedificatoria), éd. G. Orlandi et P. Portoghesi, t. 1-2, Milano, Il Polifilo, 1966.
[34] Leon Battista Alberti, L’architettura, éd. cit., p.?